TERRAIN (géologie)

TERRAIN (géologie)
TERRAIN (géologie)

La géologie étudie les masses minérales de la partie externe du globe, et elle a pour but d’en reconstituer l’histoire. Sa démarche consiste donc à rechercher, au sein des objets géologiques eux-mêmes, des témoignages concernant leur genèse; ces témoignages sont interprétés par référence aux lois qui règlent actuellement, à la surface de la Terre et dans ses profondeurs, les processus d’évolution de la matière. Cela implique l’étude de portions plus ou moins importantes de la croûte terrestre, considérées dans leurs constituants, leur agencement puis, par déduction, quant à leur origine et à leur âge. C’est donc l’observation du terrain qui permet de réunir l’information indispensable à toute géologie.

Ceux qui, tels Jean-Étienne Guettard au XVIIIe siècle, Alexandre Brongniart et Constant Prévost au début du XIXe siècle, utilisèrent les premiers le mot «terrain» désignaient par là un ensemble de couches sédimentaires accumulées durant une époque donnée («terrain crétacé des Pyrénées»): la référence à l’âge était alors déterminante. L’usage a élargi cet emploi, en considération de la nature, de l’agencement, de l’origine d’ensembles rocheux constitutifs de la lithosphère («terrain calcaire», «terrains plissés», par exemple). Mais le même mot, dans un sens emprunté à l’art militaire, désigne aussi – et, dans ce cas, toujours au singulier – une étendue sur laquelle on pratique un certain mode d’observation ou d’action. Pour le géologue, il s’agit d’une partie de la surface de l’écorce, sur laquelle il exerce concrètement sa recherche; en somme, le terrain est le lieu d’observation directe des objets géologiques dans leur gisement naturel.

1. Échelles d’observation et niveaux d’organisation

L’investigation immédiate concerne des objets dont la taille se situe entre le millimètre et quelques hectomètres (Pl. I); cette vision des choses est obtenue sur des affleurements rocheux du même ordre de grandeur; cette approche peut fournir immédiatement des informations assez denses. Par contre, la petitesse de l’observateur, par rapport à des objets d’un ordre de grandeur supérieur à 1 kilomètre, a longtemps fait de l’observation à cette échelle un domaine méthodologique peu productif; les progrès considérables de la technique ont profondément modifié cet état de fait, et, vu ainsi, le terrain fournit désormais une quantité importante de données géologiques. L’observation d’objets dont les dimensions sont inférieures à 1 millimètre ne trouve guère sa place dans la pratique courante du travail sur l’affleurement: ce ne sont pas des raisons de principe, mais de simples considérations techniques qui font que la zone méthodologique correspondante doit être explorée au laboratoire, sur des échantillons représentatifs des objets vus dans leur gisement.

Les investigations concernant le terrain sont donc réalisables à des ordres de grandeur très variables, et variables en continuité. Cette continuité n’existe plus si l’on considère les objets eux-mêmes: ceux-ci sont, en effet, matière, et sont agencés en conséquence. C’est dire qu’il y apparaît une série de niveaux distincts d’organisation. Situé à un niveau donné, un objet est constitué par le groupement discontinu d’objets de niveau inférieur; il peut s’intégrer lui-même dans une organisation de niveau supérieur. Dans la lithosphère, les plus significatifs de ces niveaux sont celui de l’élément chimique, celui du minéral, celui de la roche, celui de la formation géologique, celui de l’édifice régional. Une roche, par exemple, est, considérée comme telle, un objet continu; mais elle se définit comme assemblage discontinu de grains (appartenant à une ou plusieurs espèces minérales), et comme partie d’un autre assemblage discontinu (formation géologique) auquel elle s’intègre avec d’autres masses rocheuses. Un simple changement de dimension ne peut, en aucun cas, faire passer un de ces objets d’un niveau à un autre: si gros soit-il, un grain minéral ne sera jamais une roche.

Il y a, certes, dans la pratique, une correspondance approximative entre un certain ordre de grandeur dans l’observation et un certain niveau d’organisation: le niveau du minéral est accessible, de façon usuelle, à la limite de l’observation microscopique, par exemple. Mais il est essentiel de souligner la différence: pour l’observateur, choisir l’échelle de son investigation et la faire varier n’est qu’un problème technique; c’est sa méthodologie qui est fondamentalement guidée par la considération des transitions discontinues qui existent de niveau à niveau. En effet, le groupement d’objets de niveau n en un objet de niveau n + 1 implique l’intervention de lois propres à la discontinuité correspondante, en accord avec celles qui interviennent à d’autres niveaux: il s’agit, par exemple, de la thermodynamique et de ses lois, qui contrôlent l’équilibre entre diverses espèces minérales lors de la genèse d’une roche métamorphique. Ici se situe donc la base logique des raisonnements qui permettront au géologue de passer de la phase d’observation à la phase d’interprétation, ce qui est le principal de sa démarche.

2. Méthodes d’observation sur l’affleurement

L’observation du terrain se fait essentiellement sur les parties de la surface du globe où le «sous-sol» rocheux est directement apparent, en l’absence de couverture végétale, de sol, de constructions et de tout matériau superficiel; cela pose parfois le problème de la distinction des objets géologiques en place et de ceux dont la position est simplement le résultat de phénomènes récents, de signification toute différente (blocs éboulés, par exemple). L’expérience, souvent aidée par une prospection préliminaire à échelle mégascopique, sur photographies aériennes notamment, guide la découverte des aires d’affleurement; leur fréquence et leur étendue sont largement fonction des particularités du climat et de la topographie; l’homme peut concourir à les créer, soit à l’occasion de travaux de génie civil (tranchées, fondations), soit pour l’observation géologique elle-même (galeries, forages).

Une fois localisé l’affleurement (par relevé topographique ou par le biais de documents cartographiques), l’investigation géologique consiste en une sorte d’inventaire. Pour évoquer ce dernier, on peut retenir quelques thèmes d’observation dans le cadre d’un affleurement de terrains sédimentaires plissés.

Caractéristiques primaires

Constituants

Un thème d’observation consiste à identifier des constituants décelables à l’échelle de l’affleurement: identification sommaire du (ou des) type(s) de roches (lithologie), pouvant mettre en évidence l’existence de différentes unités lithologiques correspondant à divers épisodes d’accumulation sédimentaire; identification, généralement partielle et imprécise, parfois quantifiée, des constituants élémentaires de ces roches, ou encore des organismes qui y sont fossilisés [cf. FOSSILES ET FOSSILISATION]. Ce travail s’effectue le plus souvent avec des moyens réduits (loupe, réactifs simples) et appelle nécessairement un prolongement au laboratoire: les techniques d’observation y sont mieux appropriées à l’étude d’objets de très faibles dimensions, et, en outre, c’est là seulement que peuvent se trouver réunies la documentation et les pièces de comparaison toujours indispensables pour identifier correctement les «objets» récoltés. Ce n’est qu’exceptionnellement, et en rapport avec des modalités particulières de l’investigation, que ces observations se doublent de (ou même se limitent à) la mesure systématique de certaines propriétés physico-chimiques des matériaux: ces opérations vont de l’estimation de la teinte des matériaux par rapport à des «chartes» colorées jusqu’à l’enregistrement de paramètres caractérisant dureté, résistivité, radioactivité, par exemple; le but ainsi recherché est d’assurer une meilleure identification et de faciliter les comparaisons ultérieures.

Caractéristiques géométriques

Un autre thème d’observation consiste en l’analyse de certaines caractéristiques géométriques des objets étudiés. Les constituants des masses rocheuses (grains minéraux, fossiles) s’y trouvent distribués de façon telle que des structures apparaissent, significatives des conditions de formation du matériau: agencement stratifié; forme, épaisseur, modalités de superposition des couches, ordre de leur succession; figures géométriques visibles le long des surfaces de séparation de ces strates; stratifications mineures à l’intérieur des bancs, par exemple. Tout cela est, bien sûr, en relation avec les caractéristiques du milieu de dépôt, s’agissant, dans notre exemple, des terrains sédimentaires. Les aspects identifiés font l’objet d’une analyse descriptive, concrétisée par la prise de notes, d’empreintes, de documents graphiques. On doit aussi mesurer leurs dimensions, leur orientation; direction et inclinaison des éléments structuraux, linéaires ou plans, sont généralement définies par rapport au nord magnétique et au plan horizontal, à l’aide de la boussole, munie d’un niveau à bulle et complétée d’un clinomètre.

Les éléments individuels groupés en roches ont eux-mêmes leurs caractéristiques géométriques propres: taille, forme, relations mutuelles. Cela définit la texture du matériau, dont l’observation n’est pas moins significative: les éléments groupés en une roche sédimentaire détritique sont plus ou moins gros, émoussés, imbriqués, suivant les modalités du dépôt. L’étude de cette texture peut faire l’objet soit d’une simple évocation qualitative, soit de mesures visant à la caractériser sous forme de paramètres (paramètres granulométriques, indices de sphéricité, d’émoussé); à vrai dire, ces mesures ne se pratiquent sur l’affleurement lui-même que dans le cas, assez peu fréquent, où les particularités du matériau rendent irréalisable le transport au laboratoire d’échantillons représentatifs (conglomérats à très gros éléments, par exemple).

Enfin, parmi les thèmes d’observation géométrique, l’étude en affleurement peut comporter une analyse statistique de la disposition de certaines catégories particulières d’éléments individuels constitutifs des roches. Éléments minéraux, fossiles, de forme aplatie ou allongée, peuvent en effet avoir acquis lors du dépôt quelque orientation préférentielle fabrique »), sous l’action de courants ou d’autres agents, ce qui constituera un témoignage intéressant. Le cas particulier des organismes fossilisés en position de vie relève d’un phénomène du même ordre, et son observation est donc précieuse, tant dans l’appréciation des conditions du milieu sédimentaire que dans celle des caractéristiques écologiques de groupes aujourd’hui disparus.

L’ordre de grandeur des divers objets à étudier appelle souvent l’emploi de techniques de laboratoire: d’où la nécessité de procéder, au marteau, sur l’affleurement, à un échantilonnage soigneux. Le problème est de choisir objectivement, dans leur gisement même, des échantillons vraiment représentatifs des objets à étudier et de repérer scrupuleusement leur position dans l’affleurement, ainsi que par rapport au nord et au plan horizontal.

Il est important de remarquer que ce travail sur l’affleurement, s’il se présente de prime abord comme un inventaire complexe, ne se fait absolument pas au hasard, ne porte pas sur n’importe quoi. Il retient fondamentalement des aspects qui ont une signification génétique, parce qu’ils furent acquis, lors de l’organisation première des roches, sous le contrôle des lois de la géodynamique. Cette préoccupation est particulièrement apparente, même à la seule échelle de l’observation macroscopique, dans l’étude des terrains sédimentaires pris comme exemple: caractéristiques lithologiques, paléontologiques, structurales, texturales confèrent à chacun une physionomie propre, un faciès qui est une traduction des conditions naturelles ayant présidé au dépôt [cf. SÉDIMENTOLOGIE].

Caractéristiques secondaires

Dans le cas des «terrains plissés» qui nous servent d’exemple, on est amené à remarquer l’existence, sur l’affleurement, de caractéristiques qui, n’ayant pu être acquises que bien après le dépôt, témoignent donc d’événements intervenus au cours de la longue histoire des roches sédimentaires ainsi formées: il s’agit alors de caractéristiques «secondaires» telles que plis, dispositifs traduisant des cisaillements et des mouvements relatifs, révélateurs de déformations. L’observation comporte, dans ce cas, une étude qualitative des structures tectoniques décelées. Elle exige aussi un certain nombre de mesures concernant, par exemple, direction et pendage d’éléments plans (surfaces de stratification, schistosités, failles) ou linéaires (stries de glissement, intersections de diverses surfaces): la direction d’un élément linéaire est exprimée par l’azimut du plan vertical renfermant cet élément; la direction d’une surface est celle d’une ligne horizontale portée par cette surface; le pendage est exprimé par la valeur de l’angle aigu existant entre un élément structural donné et le plan horizontal, valeur complétée par l’indication du sens de plongement maximum (suivant une ligne de plus grande pente, s’il s’agit d’un plan). L’observateur sélectionne, ici encore, dans son inventaire certains aspects significatifs: à la lumière des données théoriques et expérimentales de mécanique des roches, ces aspects pourront lui permettre de reconstituer l’attitude des matériaux avant la déformation, les conditions thermodynamiques et tensorielles de celle-ci, etc. Dans cette entreprise, quelques caractéristiques primaires des roches peuvent aider à l’analyse tectonique: tel est le cas, notamment, de critères géométriques de polarité (stratifications entrecroisées, orientation préférentielle d’organismes fixés), qui servent à définir l’ordre de superposition initial des couches, quelles qu’aient été les déformations ultérieures.

Les thèmes d’observation géologique d’un affleurement sont donc nombreux, si nombreux même que, pour minutieuse et éclairée que soit l’observation, on ne peut jamais la considérer comme complète.

3. Observation du terrain à l’échelle régionale

Généralement, l’observation du terrain ne se limite pas à une étude ponctuelle, mais concerne des régions parfois très étendues. Les principes méthodologiques applicables à l’analyse d’un affleurement peuvent naturellement entrer en jeu aussi souvent que nécessaire; ce qui signifie que l’observation globale représentera d’abord la somme d’un certain nombre d’observations localisées. La densité de ces dernières dépendra, pour une part, de la fréquence des affleurements eux-mêmes et de la précision recherchée, mais aussi de la nature géologique du substrat à étudier et des caractéristiques de l’«objet» qu’il constitue. Celui-ci, qui se trouve à un niveau d’organisation déjà élevé, est constitué du groupement discontinu d’objets de niveau inférieur (formations sédimentaires stratifiées, superposées les unes aux autres dans l’ordre de leur dépôt, agencées en objets tectoniques de divers types). Si bien que l’inventaire régional à réaliser devra tenir compte des dimensions de ces objets élémentaires: la grosseur des mailles du réseau d’investigations à entreprendre en dépendra. Il ne pourra s’agir d’un quadrillage arbitraire; le maximum de densité en points d’observation dépendra de l’existence des discontinuités déjà évoquées. Le géologue est, en conséquence, amené à se consacrer tout particulièrement à l’étude des surfaces majeures de discontinuité (limites entre grands ensembles stratigraphiques et structuraux), ainsi qu’à grouper ses observations sur des voies mettant précisément en évidence les particularités de groupement des objets dans ces assemblages discontinus.

Ce dernier cas correspond au lever de coupes de terrain (Pl. II). Suivant un itinéraire généralement choisi, en principe, comme orthogonal à la direction des principales unités lithologiques ou tectoniques, la continuité des observations est aussi grande que le permet celle des affleurements; en fait, il y persiste très souvent des lacunes. L’investigation est conduite suivant les thèmes méthodologiques précédemment évoqués; mais, s’agissant de l’enchaînement d’une série d’informations, on met l’accent sur l’agencement mutuel des objets géologiques: par exemple, sur leur ordre de succession dans le cas des ensembles sédimentaires, qui peuvent fournir ainsi directement la chronologie relative de leurs dépôts. On s’intéresse aussi tout particulièrement aux variations apparaissant d’une unité à l’autre (dans la lithologie, les textures, le contenu paléontologique); ces variations sont parfois traduites sous forme d’enregistrements concernant l’évolution de tel ou tel paramètre (cas particulier des diagraphies réalisées sur les sondages).

D’affleurement en affleurement, de coupe en coupe, la juxtaposition et la comparaison mentales des données obtenues de façon ponctuelle ou linéaire conduisent déjà l’observateur à une sorte de schéma général que seule une vision globale de l’ensemble régional peut lui permettre de préciser. Cette vision mégascopique peut résulter directement de l’utilisation de certaines particularités topographiques (points hauts) ou, mieux, de l’emploi de moyens aériens. On peut aussi en obtenir une approche indirecte en recourant à certains types de documents. Les cartes topographiques, qui permettent une localisation des observations faites et y ajoutent une information pratiquement continue concernant le relief, sont, à ce propos, un important instrument de travail; se fondant à la fois sur les caractéristiques des objets géologiques qu’il observe, sur leur «logique» et sur leur traduction morphologique, le géologue peut déjà ainsi entrevoir avec une certaine précision le schéma général qu’il cherche à obtenir.

L’observation géologique à cette échelle a toutefois fait d’énormes progrès grâce au développement des techniques de survol du «terrain» et de l’imagerie sous toutes ses formes. L’analyse de photographies aériennes panchromatiques, en vision stéréoscopique, en est l’aspect le plus traditionnel. Elle consiste à exploiter une série de critères (différentes nuances de gris, leur texture, leur distribution; particularités de la morphologie, de l’hydrologie, du tapis végétal) qui traduisent la réalité géologique sous-jacente, à un niveau relativement élevé de son organisation. Ce type d’investigation aboutit lui-même à l’obtention d’un schéma global, que devront compléter et contrôler d’autres sources d’information (travail sur l’affleurement, bibliographie). Les possibilités ici évoquées se sont grandement accrues avec les satellites et la mise au point de techniques d’imagerie qui ne se limitent plus au domaine restreint de la lumière visible, ni à celui de la seule photographie, mais qui concernent une vaste gamme de longueurs d’onde (cf. PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE ET SPATIALE, TÉLÉDÉTECTION). À ces progrès s’ajoutent ceux qui résultent de l’emploi de techniques de filtrage optique, ou du traitement statistique de l’information enregistrée: ces techniques contribuent à faire ressortir, une fois encore, les aspects les plus significatifs du «terrain», et donc à mieux guider l’interprétation à venir.

4. Les représentations du terrain

Pour les confronter, les transmettre et les utiliser, il faut donner une représentation aux observations ainsi effectuées. S’agissant d’objets géologiques qui s’inscrivent dans un espace à trois dimensions, la présentation envisagée peut faire appel à 0, 1, 2 ou 3 des dimensions concernées.

Relèvent de la première catégorie les diagrammes figurant des données numériques, relatives à des propriétés non vectorielles: histogrammes et courbes granulométriques, diagrammes de composition pétrographique ou paléontologique, etc.; leur dessin, consignant des observations faites sur une portion de terrain, ne fait intervenir aucune des dimensions de l’espace réel.

La figuration «unidimensionnelle» est d’usage fréquent pour représenter des données relatives aux terrains sédimentaires: la dimension verticale permet une figuration linéaire de la succession et de l’épaisseur des couches, que l’on suppose replacées dans la position de leur dépôt; on aboutit de la sorte à une représentation approximative du temps géologique. Les colonnes stratigraphiques («logs») sont bâties sur ce principe; elles rassemblent un certain nombre de résultats de l’analyse, qu’il s’agisse de données de l’observation directe ou de données enregistrées par diagraphie, au fur et à mesure de la pénétration de la sonde, dans un forage (vitesse d’avancement, résistivité, radioactivité; cf. DIAGRAPHIES - Géophysique).

Dans une première catégorie de diagrammes «bidimensionnels» se rangent les coupes verticales du terrain (Pl. II). Elles peuvent se limiter à la simple juxtaposition de colonnes stratigraphiques entre lesquelles des lignes isochrones, isolithes, ou autres, esquissent des corrélations; elles peuvent, par interpolation, donner une figuration continue, dans le plan vertical, d’ensembles sédimentaires que l’on suppose replacés dans leur position de dépôt. Elles peuvent aussi se présenter comme des profils structuraux, plus proches de la réalité puisque les terrains y sont dessinés dans leur agencement actuel; il y intervient une part d’interprétation, puisque se trouvent couramment figurés des segments d’écorce terrestre s’étendant à plusieurs centaines de mètres au-dessous de la surface observable; une construction géométrique rigoureuse, à partir de ce qui est effectivement visible en affleurement, et une bonne connaissance de la «logique» des terrains eux-mêmes permettent de réduire la part de l’hypothèse.

Les deux dimensions du plan horizontal interviennent dans toute une série de diagrammes directionnels concernant l’agencement orienté de certains objets dans la surface de dépôt sédimentaire: orientation moyenne de crêtes de «ripple-marks»; diagramme en rosette mettant en évidence une orientation préférentielle de coquilles fossiles cérithiformes. Ces deux dimensions interviennent aussi dans le dessin de véritables plans sur lesquels l’observateur peut localiser telle ou telle des données ponctuelles recueillies sur affleurement.

Seule une représentation «tridimensionnelle» peut prétendre approcher la réalité géologique du terrain; si l’on met à part la confection, longue et onéreuse, de cartes en relief, il est nécessaire de recourir à un système de projection dans le plan de la figure.

Tel est le cas de divers procédés de projection stéréographique qui permettent de regrouper, sur un même diagramme, les données concernant l’orientation dans l’espace de certaines catégories d’éléments géométriques observés sur le terrain: surfaces sédimentaires, schistosités, axes de plis, éléments de la fabrique [cf. STRUCTUROLOGIE (Géologie)]. De même, certains artifices superposent à un simple fond planimétrique la projection de courbes isobathes indiquant la cote de telle surface géologique prise comme repère (cartes structurales ) ou de courbes d’égale épaisseur de telle unité stratigraphique (cartes d’isopaques ); essentiellement fondées sur des données de forages ou de prospection géophysique, ces cartes sont d’autant plus précises que les repères choisis peuvent être identifiés avec plus de sûreté et que le réseau des observations est plus serré.

L’introduction de la perspective permet de confectionner des diagrammes plus directement figuratifs que les procédés évoqués. Cette technique peut aller du simple croquis panoramique, exécuté sur le terrain, aux diagrammes en panneaux ou rubans qui groupent coupes stratigraphiques ou profils structuraux sur un fond planimétrique, avec adjonction d’un effet de perspective; cela concerne surtout les blocs-diagrammes , qui tendent à représenter des portions, d’allure parallélépipédique, de l’écorce terrestre; les données géologiques peuvent figurer tant sur les faces latérales du bloc que sur sa face supérieure, où est également recherché un effet de relief (cf. figure). Ces blocs sont des documents interprétatifs plutôt que des représentations objectives: ils sont, en effet, généralement établis à partir d’autres documents qui comportent déjà eux-mêmes une part d’interprétation (cartes géologiques). Ce mode de représentation qui, longtemps, ne fut vraiment efficace qu’entre les mains d’un géologue doté de solides qualités de dessinateur, a été facilité par l’utilisation de l’outil informatique.

Mais c’est la carte géologique établie sur fond topographique qui fournit, le plus couramment, la représentation tridimensionnelle recherchée. Les résultats fragmentaires de l’observation, macroscopique et mégascopique, sont, dans un premier temps, transcrits à leur emplacement sur le fond topographique. Les différents terrains, en fonction de leur lithologie surtout, en fonction aussi, éventuellement, de l’âge qui a pu leur être attribué, sont représentés, dans les limites objectives de leurs affleurements, par des teintes arbitraires (conventionnelles, si la carte doit venir s’intégrer dans un ensemble coordonné: par exemple, différentes nuances de vert accompagnées de notations pour le Crétacé supérieur, sur les coupures de la carte géologique de la France au 1:50 000 comme celle qui figure sur la planche II); des signes complémentaires peuvent indiquer le pendage des couches, la présence de failles, l’orientation de plis, etc. La carte d’affleurements ainsi établie (fondamentale parce qu’elle donne, à elle seule, une représentation des objets vus) devient carte géologique interprétative lorsque son auteur généralise l’information proposée à l’ensemble du territoire concerné. Cela revient à supposer enlevés la couverture végétale, le sol, entre autres, dans un schéma où les caractéristiques géométriques des objets, leur logique propre, et les particularités morphologiques, hydrologiques, phytogéographiques guident l’interprétateur.

Lors de l’établissement de tels documents, on peut s’efforcer de faire ressortir les données lithologiques et tectoniques, les aspects chronologiques majeurs: il en est ainsi sur la plupart des cartes modernes. L’accent peut toutefois être mis sur d’autres thèmes: position des terrains dans telle ou telle échelle chronologique, ou par rapport aux divers cycles orogéniques; relations entre ces terrains et la géomorphologie; distribution, dans le sous-sol, de certaines catégories de substances utiles (cartes hydrogéologiques, cartes de gîtes minéraux). De toute manière, il ne s’agit là que de documents interprétatifs: le sont donc encore davantage toutes les traductions graphiques (coupes, blocs-diagrammes) que l’on s’efforcerait d’en faire dériver.

L’étude du terrain apparaît, en définitive, comme le point de départ obligatoire de toute géologie. Elle est réalisable à des ordres de grandeur très variables, mais, pour des raisons purement techniques, appelle de multiples prolongements au laboratoire. Elle tend à mettre en évidence constituants et agencements d’objets qui se situent à différents niveaux d’organisation de la matière minérale. Ce n’est, en fait, qu’à partir de l’étude de ces objets dans leur gisement naturel que l’on peut envisager d’obtenir d’eux une image suffisamment complète; de cette image découlera l’acte essentiel de la démarche géologique, qui est la recherche de l’interprétation, à la lumière des lois de la géodynamique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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